Située à une cinquantaine de kilomètres de Chlef, le chef-lieu de wilaya, Ténès est une petite ville côtière au charme pittoresque.
Evoquant Ténès dans sa monographie sur l’Algérie, le Dr Thomas Shaw écrit : « Au temps de Moise, les gens de Ténès étaient des magiciens renommés. Le Pharaon d’Egypte en aurait fait venir quelques-uns, parmi les plus habiles, pour les opposer à un thaumaturge Israélite qui battait tous les magiciens du bord du Nil » (*), c’est dire que l’existence de Ténès est millénaire.
L’histoire de la région a, en effet, commencé à s’écrire il y a plus de trois mille ans. Des Phéniciens aux Français en passant par les Berbères, les Romains, les Vandales, les Byzantins, les Arabes et les Turcs, tous s’y sont succédé et chacun marquant l’histoire de la région de son empreinte indélébile.
Au VIIIe siècle av. J.-C., les Phéniciens s’installent dans la région, établissant un comptoir commercial qui va leur permettre de parcourir les eaux de la Méditerranée et d’y imposer leur hégémonie commerciale. Aujourd’hui encore, les traces de cette présence restent visibles à travers plusieurs vestiges (voir article sur le patrimoine de la ville de Ténès).
Ténès ou l’antique Carthenna
Selon certaines sources historiques, c’est à cette période de son histoire que la ville sera désignée sous le nom de Carthenna, Carth signifiant « cap » et Thenna étant le nom de la rivière traversant la région. Pour d’autres sources, Carthennas serait plutôt d’origine punique, donnant plus tard le nom de Ténès.
Pour ce qui est de Ténès, ce nom serait une déformation du mot berbère « Anenss » qui signifie « passer la nuit, ou campement » car, il semblerait que les Numides lors de leurs passages dans la région avaient pour habitude de passer la nuit au nord du plateau de Ténès, pour éviter de naviguer la nuit.
Ténès la convoitée
Vers le IIIe siècle av. J.-C., alors située aux frontières ouest de la Numidie orientale, Ténès est placée sous le commandement de Syphax, roi de la Numidie occidentale, après la mort de son roi, Gaïa. Mais des alliances et des mésalliances entre Syphax, Rome et Carthage vont conduire à la délivrance de Ténès, vers la fin du IIIe siècle, par Massinissa, le fils du roi Gaïa.
Ténès ne restera, cependant, pas longtemps sous le pouvoir numide puisqu’en l’an 30 av. J.-C., les Romains parviennent à imposer leur hégémonie sur la ville, qu’ils désignent sous le nom de Cartenna. L’empereur Auguste en fait une colonie militaire (la Legio II Augusta). Aujourd’hui encore, des vestiges témoignent de cette présence romaine, notamment des pierres portant des inscriptions romaines.
Après le départ de la soldatesque romaine, les Vandales qui envahissent plusieurs villes du pays vont, durant un temps s’établir à Ténès. Mais dès 434, ils sont à leur tour délogés par les Byzantins.
Les documents historiques n’évoquent que très succinctement cette période de l’histoire, sans doute car rien de vraiment notable ne s’y produit.
Après un peu plus de deux siècles de présence, la région est à nouveau au cœur de convoitises et c’est finalement entre les mains des Arabes, à leur tête le chef militaire Abou El Mouhadjir Dinar, qu’elle tombe entre 675 et 682, lors des célèbres foutouhate islamiques.
Dès lors, Ténès passe entre le pouvoir de plusieurs dynasties arabes, allant des Rostémides, aux Zianides, en passant par les Idrissides, les Mérinides, les Almoravides et les Almohades.
En 1302, des marins andalous, attirés par la typographie de la région (entre mer et montagne) vont décider de s’y établir. Ils entreprennent alors de bâtir la ville qui est aujourd’hui désignée sous le nom de Ténès Lahdar. Leur choix du site se porte sur un rocher situé à 1 km de la mer, ils y érigent des maisons qu’ils entourent d’une muraille, ouverte par 5 portes.
Essentiellement habitée par des Andalous et des Berbères, et placée sous l’autorité du prince (Sulaymanide), Ibrahim Mohamed ben Sulayman, Ténès devient un véritable pôle intellectuel, avec la présence de dizaines d’étudiants, venus de différentes universités pour parfaire leurs connaissances auprès de maîtres et de savants à l’image de Ibrahim Ibn Yekhlef Ibn Abdessalem Abou Ishak Ettensi, Ibrahim Ibn Abderrahmane Abou Ishak Ettensi, Muhammad Ibn Abdeljalil Abou Abdallah Ettensi ou encore Abou El Hassen Ibn Yekhlef Ettensi.
Des géographes tels qu’Al Bakri ou Al Yaqubi viennent également y travailler. Ténès est alors en pleine effervescence, elle est le cœur battant de cette partie ouest de la Méditerranée.
Outre la science et le savoir, le commerce retrouve également une seconde vie, le souk de la ville de Ténès est connu à travers tout le bassin méditerranéen et des commerçants des deux versants viennent y faire des affaires.
Selon Al Bakri, c’est même la vocation première de la ville lors de sa construction par les Andalous : en faire un carrefour commerçant où s’échangent des produits provenant d’Andalousie et du Moyen-Orient.
Domination espagnole, turque puis française
A l’instar d’autres régions passées du pays sous la domination espagnole, Ténès est dès 1505 envahie mais en 1516, elle sera désormais sous l’autorité ottomane après avoir été « libérée » des Espagnols par Kheireddine Barberousse. Elle demeurera sous domination turque jusqu’en 1830, date de l’arrivée d’un autre colonisateur : la France.
C’est en 1841, plus précisément le 22 décembre, que le colonel Changarnier et ses troupes arrivent à Ténès. N’y trouvant pas d’abris et aucune ressource pour la cavalerie, ils décident d’abandonner les lieux. Deux ans plus tard, le Maréchal Bugeaud y voyant, au contraire, un attrait stratégique, va venir y construire le port. Le 28 avril 1843, le colonel Cavaignac et des centaines de travailleurs militaires vont entamer les travaux de construction. Les habitants de la ville se soulèvent contre ce nouvel envahisseur, menés par Mohamed El Kalii, dénommé Boumâaza, mais après deux années de lutte sanglante, ce dernier est vaincu et fait prisonnier. La révolte ainsi tuée dans l’œuf, la ville vivra dès lors sous un régime colonial despote jusqu’au soulèvement du 1er novembre 1954 qui va conduire à la libération du pays du joug colonial.
Hassina Amrouni
Sources
(*) Thomas Shaw, Voyage dans la Régence d’Alger, ou Description géographique, physique, philologique, etc. de cet état (Monographie), Paris 1830
http://kardoc.unblog.fr/2007/11/28/histoire-de-la-ville-de-tenes-source-inconnu/