Lorsqu’il bâtit au XVe siècle le petit ksar Laâwina (la petite source), le vénérable saint homme, Sid El Hadj Abderrahmane y édifia une mosquée : al masdjid al atiq.
A sa mort, celle-ci devint un mausolée abritant sa sépulture. Deux siècles plus tard, un autre saint homme vint s’établir dans le ksar : Sidi M’hammed Ben Bouziane. Le ksar prit alors le nom de ksar Kenadsa. D’après Ibn Abd-as-Salam an-Naçiri, cette appellation aurait un rapport avec la vocation du saint homme, qandasa et taqandasa, en arabe classique signifiant « faire acte de pénitence et, par extension, épouser la voie du taçawwuf » (soufisme).
Après son installation dans ce ksar, le saint homme fit bâtir sa zaouïa. Peu après, le ksar connaît un essor et la vie de ses habitants gravitera autour de cet édifice religieux. Sidi Ben Bouziane entreprend ensuite de construire une seconde mosquée à l’extrémité orientale du ksar. Cet acte avait toute son importance, car selon le Pr Abderrahmane Moussaoui (*), elle est « le fruit d’une volonté délibérée de différenciation. Il s’agissait de se distinguer des établissements de la région. La construction de la mosquée Ben Bouziane est une façon de signifier que désormais la communauté n’est plus organisée uniquement sur la base du lien du sang. Un nouvel ordonnancement social s’est mis en place. D’une communauté « naturelle », on est passé à une autre, culturelle celle-là, où l’organisation se fait par un choix délibéré du mode d’agrégation. Désormais, le spirituel devient une manière plus élaborée de se regrouper pour se distinguer du reste. En faisant de sa tarîqa l’axe d’un nouvel ordonnancement, Sidi M’hammed instaure un nouveau principe d’agrégation et de solidarité ».
Avant de se lancer dans l’édification de ce masdjid, le saint homme prend d’abord le soin de restaurer la vieille mosquée qui accueillait les fidèles pour la prière du vendredi, avant de construire une mosquée avec « de nouveaux modes d’accès aux fidèles ». Le professeur Moussaoui ajoute encore à ce sujet : « Le lien du sang n’est plus l’unique mode identificatoire de la communauté kenadsie. Désormais, on peut s’intégrer au ksar en s’affiliant à la zâwiya dont le symbole matériel en est la mosquée Ben Bouziane. Plus besoin d’être uni par le sang pour faire partie de la communauté, il suffit d’y adhérer par le cœur ; cette filiation du qalb (cœur) que les musulmans ont de tout temps opposée, avantageusement, à celle du çulb (rein) ».
La construction de la mosquée de Sidi Ben Bouziane se fera de son vivant. Il la dote d’une belle architecture, la surmontant d’une belle toiture « (banâhu binâ’an`ajîb wa saqqafahu) ». Ce lieu de prière confère au saint homme respect et déférence et ce, bien au-delà de sa mort puisqu’aujourd’hui encore son mausolée reste un lieu de visite et de ziara pour de nombreux fidèles venant de différentes régions du pays.
De son vivant, il y officie lui-même les cinq prières quotidiennes et ce, jusqu’à la mort de son fils Al Hadj Abdel Wahab qu’il enterre à la gauche du mihrab.
Dès lors et pendant les vingt ans qu’il vivra encore, il transformera sa mosquée en lieu de recueillement et de réunions pour les adeptes de douaâ et de séances surérogatoires, tandis que les prières canoniques seront effectuées sous sa direction au sein de masdjid el atiq qui retrouve ainsi ses fidèles.
Hassina Amrouni
Source :
(*) Moussaoui Abderrahmane, anthropologue, Maître de conférences IDEMEC Aix En Provence
In : http://kenadsa.e-monsite.com/pages/histoire-de-kenadsa/