Bataille de Djebel Béchar-Le colonel Lotfi et ses compagnons tombent en martyrs

Le 27 mars 1960, Djebel Béchar a été le théâtre d’une bataille sanglante qui a coûté la vie à l’un des grands noms de la révolution algérienne, le colonel Lotfi et ses trois frères d’armes, le commandant Ferradj, Zaoui Cheikh et Brik Ahmed.

Le colonel Lotfi au maquis avec un groupe de moudjahidine et moudjahidate

Cette journée funeste qui vit tomber en martyr quatre de nos vaillants combattants a été racontée par l’unique rescapé de cette bataille, le moudjahid Aïssa Benaroussi.

Ayant lui-même pris part au combat, le moudjahid fait dérouler le fil des souvenirs : « Le colonel Lotfi m’a demandé de prendre une arme automatique et de choisir cinq dromadaires parmi les plus résistants. Nous étions cinq à nous infiltrer à partir de la frontière sud vers Béchar. Il y avait le colonel Lotfi, le commandant Ferradj, deux djounoud, Cheikh Zaoui et Ouled Ahmed, et moi-même. Auparavant, les deux officiers devaient se rendre à une importante réunion des cadres de l’ALN et se séparèrent des deux djounoud et de moi-même à Boudenib où il était convenu que nous nous retrouverions après 3 jours, mais la réunion n’a duré que 2 jours ». Sur le chemin du retour, les moudjahidine remarquent des avions ennemis au-dessus de leurs têtes. « Nous comprîmes que nous étions pistés au sol. De nombreux indices montraient que les forces colonialistes amorçaient un encerclement. Notre petit groupe commença alors à zigzaguer d’un endroit à un autre pour éviter les pluies de balles qui nous sifflaient aux oreilles et aussi pour se positionner à la riposte », raconte encore le rescapé.

Très vite, les forces coloniales au sol sont renforcées par des centaines de parachutistes largués des avions qui survolaient le Djebel Béchar. Le colonel Lotfi et ses hommes comprennent alors qu’ils sont encerclés et qu’ils n’ont pas d’autre choix que de se défendre quitte à perdre la vie pour ne pas tomber vivants entre les mains de l’ennemi.

Aïssa Benaroussi raconte avoir suggéré au colonel Lotfi de se diriger vers les hauteurs pour se cacher entre les rochers et pouvoir ainsi mieux se défendre mais le colonel a choisi de rester sur place et d’ouvrir le feu sur l’ennemi qui progressait sur le terrain.

« Les avions nous mitraillaient de partout tout en nous lançant des grenades fumigènes. Nous avons réussi à abattre un B-29, quand les premiers hélicoptères-ambulances firent leur apparition pour évacuer leurs morts et blessés. Je me rappelle qu’au moment où la bataille faisait rage, Cheikh Zaoui disait que c’est dans de telles circonstances que nous montrerons à l’ennemi que nous sommes des hommes, des vrais ! ». Le moudjahid rescapé de cette bataille sanglante raconte que les événements se sont alors très vite accélérés : « Je me rappelle que c’était juste après que ma carabine se soit enrayée que les commandos ennemis se sont rapprochés ». Et la mort, dans toute son abjection sera au rendez-vous, à cet instant. « Lequel de mes compagnons est tombé le premier ? Je ne saurais le dire. De rage, j’ai laissé tomber ma carabine et au moment où je me suis retourné, ils gisaient tous à terre », fait-il savoir dans un souffle encore marqué par la douleur de l’instant vécu des décennies auparavant.

Le moudjahid rescapé de cette bataille précise que le colonel Lotfi a reçu une balle en plein cœur, ce qui ne lui a laissé aucune chance de survie. En découvrant l’identité des corps qui gisaient au sol, le chef du commando français avait alors prononcé ces mots : « Si nous savions qu’il s’agissait de Lotfi et de Ferradj, nous nous serions contentés de les faire prisonniers ».

La bataille racontée par la partie française

Dans un rapport sur le déroulement de cette bataille établi par le chef de la 4e compagnie aéroportée, on peut lire : «…le 30 mars, nous Morgan Henri, 33 ans, lieutenant actif de la Légion étrangère, chef de la 4e compagnie aéroportée, déclarons qu’à 9 h du matin du 27 mars 1960, ma compagnie a été alertée pour se préparer à une opération à Djebel Béchar plus exactement à Oued Lekhenag, où venaient d’être découvertes des traces de dromadaires. A 9 h 30, je recevais l’ordre du secteur de Colomb-Béchar de me porter avec toute ma compagnie vers la côte 941. Je suis arrivé avec mon 2e peloton au lieu indiqué à 10h 30. Mon 2e peloton escaladait le Djebel. J’ai pris place dans un hélicoptère Alouette pour aller prendre des ordres auprès du colonel qui commandait l’opération. Après prise de contact avec lui, j’ai donné ordre à mon 2e peloton de s’approcher de 500m du lieu où se trouvaient les rebelles, puis j’ai envoyé le 3e peloton pour assurer la protection des pisteurs de commandos de chasse (harkis) qui suivaient les traces de la caravane. Arrivés à proximité du confluent de l’oued, le commando était pris à partie par les rebelles. Le 2e peloton tentait le dégorgement par le Nord, du fait du tir ajusté des rebelles. Le sous-officier chef de groupe était grièvement blessé et trois légionnaires tués. A ce moment-là, je me lançais avec mon peloton vers le lieu de l’accrochage dont j’étais séparé de 300 m et j’ai donné ordre au 3e peloton de se porter vers le confluent de l’oued où étaient retranchés les rebelles. Le 3e peloton a rejoint le commando qui se trouvait sous le feu des rebelles et le chef de peloton, le lieutenant Bezou, fut grièvement blessé à son tour. Les rebelles complètement encerclés opposaient une vive résistance. Ordre fut donné de se replier pour laisser place à l’intervention des hélicoptères de combat. Une demi-heure plus tard, la riposte des rebelles s’éteint et les armes se turent. Le combat était terminé ».

Les troupes coloniales ont perdu en ce 27 mars 1960 5 hommes dont un harki nommé Aïssa Berramdane, de même qu’ils ont enregistré deux blessés.

Du côté algérien, Dghine Benali, plus connu sous le nom de guerre colonel Lotfi, Mohammed Laâouedj, dit commandant Ferradj, les djounoud Zaoui Cheikh et Brik Ahmed, tombés en martyrs en ce 27 mars 1960 ont tenu tête avec courage et bravoure à un bataillon de plus de 450 soldats, lourdement armés.

Blessé lors des combats et fait prisonnier, le moudjahid Aïssa Benaroussi ne sera libéré qu’à l’indépendance.


Hassina Amrouni

 

Source :

http://lecourrier-dalgerie.com/histoire-la-bataille-de-djebel-bechar-entre-archives-coloniales-et-temoignage-du-seul-moudjahid-survivant/

 

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