Chahida Massika Ziza-La rebelle des Aurès

La chahida Massika Ziza a eu un parcours glorieux qui l’a conduite, dès les premières heures de la guerre de libération nationale, sur les sentiers de la lutte. C’est là qu’elle mourra en martyre en 1959.

Sakina Ziza dite Massika a vu le jour à Merouana, dans la wilaya de Batna, le 28 janvier 1934. D’abord scolarisée à l’école primaire de Hbathent, sa région natale, elle part pour Sétif dès 1950 afin de poursuivre ses études moyennes au collège de jeunes filles de la ville (actuellement lycée « Malika Gaïd »). Elle revient ensuite à Hbathent pour son cursus secondaire et finit par décrocher son bac en 1953. Durant la période des vacances estivales, elle est recrutée à l’hôpital civil de Merouana qui, aujourd’hui, porte son nom.

Photo prise à l’hôpital de Bouzouri (Villa narcisse) 1- Rahim. 2- Meriem Bouatoura. 3- Malika Kharchi. 4- Massika Ziza. 5- Bellami Khadra

A la rentrée, elle rejoint les bancs de l’université de Montpellier, dans le sud de la France où se trouve également son frère Ayache. Deux ans plus tard, Massika est de retour à Merouana pour y occuper un poste d’enseignante à l’école maternelle.

Lorsque le FLN lance en 1956 l’appel à la grève, Massika et ses deux amies Meriem Bouattoura et Leïla Bouchaoui se rendent à Sétif où elles intègrent les rangs de l’Armée de libération nationale en tant qu’infirmières. Massika Ziza accède au grade de caporal puis sergent. Affectée dans la région de Collo, à Oued Atia (douar Ouled Djemaa), elle est placée sous les ordres de Ammar Baaziz, dans la 3e région de la Wilaya II. Elle collabore notamment avec Azzouz Hamrouchi et Abdelkader Bouchrit, qui étaient à l’époque, responsables de la santé des 1re et 2e régions, respectivement sous les ordres de Lamine Khene entre 1956 et 1958 et du Dr Mohamed Toumi de 1958 à 1962.

S’acquittant de sa mission avec abnégation et courage, Ziza Massika, dans un ultime geste d’empathie, perd la vie, en sauvant ses compagnons d’arme. C’était le 29 août 1959 et elle n’avait que 25 ans.

Massika Ziza

Dans un témoignage (*) sur les circonstances de la mort en martyre de sa sœur, Maâmar Ziza raconte : « Nous étions au mois d’août 1959, le rouleau compresseur du Plan Challe, mis en route depuis le début du mois de février, allait s’abattre sur la Wilaya II en cette fin d’été. Ziza Massika était alors responsable d’un hôpital/infirmerie de campagne où elle soignait 18 blessés avec une infirmière qui se trouvait avec elle. Ce jour-là, elle devait leur préparer un plat connu dans la région de Collo sous le nom de « Corsa ». C’est une préparation faite à base de semoule dans laquelle on incorpore des œufs et du lait que l’on fait frire ensuite avant de la plonger dans du miel. Les djounoud qui se trouvaient dans l’hôpital en ont alors parlé entre eux évoquant le fait que Massika allait leur préparer une Corsa ce jour-là. Elle est descendue chez des villageois qui habitaient en contrebas de l’hôpital. Elle s’est rendue chez une femme qu’on appelle « Khalti Messaouda », de la famille Bouabsa ». Maâmar explique que, bien des années après l’indépendance, il est retourné voir cette vieille femme afin qu’elle lui raconte comment elle a accueilli sa sœur et quelles étaient les circonstances qui ont conduit à sa mort. Khalti Messaouda lui confie alors que « Massika était descendue dans l’intention de ramener du miel, nécessaire à la préparation de son plat. Avant de quitter les djounoud, elle les a mis en garde contre les dangers qu’il y avait d’allumer un feu, car fréquemment un Piper, un avion de reconnaissance français, survolait la zone. Au moment où elle lui préparait le miel, Massika leva la tête et aperçut une fumée qui montait du lieu où se trouvait l’hôpital. Elle jeta le miel à terre et s’écria : « Oh Khalti, un malheur va s’abattre sur nous aujourd’hui ; c’est un jour de malheur. » Massika courut vers l’infirmerie mais elle constata à son grand désarroi que deux chasseurs T6 avaient déjà repéré le lieu et survolaient la zone. Elle ordonna alors aux blessés d’évacuer immédiatement les lieux et de se mettre à l’abri dans les tranchées. Elle termina rapidement de soigner l’un d’eux, en l’occurrence Si Rabah Boughamza, qui avait perdu une phalange avant de lui demander de sortir lui aussi. Ziza Massika s’écria à ce moment-là : « Il est préférable que l’on soit deux à mourir plutôt que sept, ce qui est une précision intéressante sur le nombre de personnes présentes à ce moment précis ».

Rabah Boughamza, toujours vivant, témoigne à son tour : « L’avion vient juste d’achever son passage sur la presqu’île de Collo. Il volait à très basse altitude ; il était juste au-dessus de nos têtes et nous pouvions même distinguer les traits du pilote ».

Une fois tous les blessés à l’extérieur, Ziza Massika retourne dans l’infirmerie pour récupérer sa sacoche médicale, à ce moment-là, l’un des pilotes tire un obus dont l’éclat l’atteint mortellement au front. Elle meurt en chahida en ce 29 août 1959.

Quelques mois après l’indépendance, la mère de Massika Ziza, accompagnée de son fils Maâmar se rend sur les lieux de son assassinat. Elle espère pouvoir ramener le corps de sa fille à Merouana et l’enterrer dignement.

C’est un certain Omar Bouaziz que les habitants de Collo appellent « le rouquin » qui leur indique le lieu où son corps a été enseveli. En creusant, ils découvrent à leur grande stupéfaction que le corps de Massika, enlacé par des racines d’arbres, se trouve comme dans un sarcophage. Son corps est intact, comme si sa mort était toute récente. Elle est vêtue d’un treillis militaire et ses pieds sont chaussés de pataugas dont l’une a la semelle décollée.

Enveloppée dans un linceul, son corps est mis dans un cercueil puis transporté dans son village natal où elle repose désormais aux côtés de ses parents qui l’ont rejointe quelques années plus tard.

En hommage à son valeureux sacrifice, plusieurs établissements publics dans la région des Aurès ont été baptisés au nom de Ziza Massika, de même qu’une promotion de médecins-major de l’ALN.

 

Hassina Amrouni

 

Sources :

(*) Interview accordée par Maâmar Ziza à Canal Algérie dans le cadre d’un hommage qui lui a été rendu lors de l’émission « Bonjour d’Algérie », avec le concours de René Fagnoni.

 

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