Naissance
Abdelhamid Bourezg est né le 19 novembre1930 à Maadid (kalaa et capitale des Hammadites) dans l’actuelle wilaya de Msila. Fils de Larbi et de Difel M’barka, il avait sept frères et sœurs : le moudjahid Abdelmadjid (officier de l’ALN en Wilaya I), le moudjahid Mohamed Mamoune (ancien lycéen et membre de l’Organisation civile du FLN en Wilaya I), Mohamed-Salah, Mohamed-Nadir, Fatima, Djamila et enfin Oum El-Kheir.
Abdelhamid Bourezg a grandi dans une famille qui lui a inculqué les préceptes de la religion et du patriotisme. Il a appris par cœur le Saint Coran alors qu’il n’avait que quatorze ans. Son oncle cheikh El-Ouelhi Bourezg se chargea de son éducation et lui apprit les rudiments de la langue arabe et les principes de la jurisprudence islamique, entre les années 1944 et 1946 à la zaouïa de cheikh El-Ouelhi Bourzeg, chef de la tariqa tidjaniya, qui eut à jouer un rôle majeur dans l’enseignement du Coran, l’éducation et la réconciliation entre les habitants de la Hodna, à Msila et Bordj Bou Arreridj. Pendant la guerre de Libération nationale, cette zaouïa est devenue une véritable forteresse pour la Révolution, hébergeant et approvisionnant les moudjahidine, ce qui a poussé l’ennemi à l’incendier.
En 1947, son père l’envoie en Tunisie, plus précisément à la Zitouna, pour poursuivre ses études. Il obtient un certificat d’aptitude, mais préfère y rester encore deux années supplémentaires pour approfondir ses connaissances.
Dès son jeune âge, Abdelhamid a appris à se prendre en charge et n’aimait pas être dépendant de ses parents. Alors, il partait souvent en France pour travailler pendant les vacances d’été et gagner ainsi de quoi payer ses frais scolaires.
Au cours de son cursus scolaire, il était un exemple de l’élève sérieux, studieux et dynamique. Aussi, partageait-il avec ses camarades algériens et tunisiens leurs activités culturelles et nationalistes si diverses et si intenses, et n’hésitait pas à se solidariser avec eux dans leur grève pour réclamer une réforme de l’enseignement qui était dispensé alors à la Zitouna.
Son activité au sein du mouvement national
Abdelhamid Bourezg adhéra au mouvement national et y activa au sein des cellules estudiantines en Tunisie, puis en France. Cette activité s’est étendue en Algérie où il intégra la cellule du MTLD à Bordj Ghedir, aux côtés d’un groupe de militants, dont on peut citer Ammar Belalta, Mahmoud Khebaba, Boussam Lemnaouer et d’autres. Son action consistait notamment à diffuser les idées révolutionnaires et nationalistes et à renforcer l’unité d’action autour des idéaux du parti visant à s’affranchir du colonialisme.
Au moment de la dissolution du parti, suivie de l’arrestation de plusieurs militants, Abdelhamid s’éclipsa et limita ses déplacements entre Barika, Hama et Boualeb, fuyant les autorités coloniales, surtout qu’il était déjà à ce moment-là porté comme insoumis au service militaire obligatoire. Il continua à militer jusqu’à son adhésion définitive à l’Armée de libération nationale.
Son adhésion à l’ALN
Abdelhamid Bourezg sera recruté en février 1956 à Sétif (Zone III, Région 1 de la Wilaya I historique, Aurès-Nemamchas), où il gravit l’échelle des responsabilités. Il fut d’abord nommé chef du 3e secteur (Ras El-Oued) dans la zone susmentionnée, et après l’entrée en vigueur des résolutions du congrès de la Soummam, il fut désigné à la tête de la première compagnie (katiba) du bataillon de zone.
Fin 1958, il fut nommé responsable militaire de la Région 2 (Ain Touta), relevant de la Zone I de la Wilaya I, où il dirigea plusieurs batailles et opérations de commandos de grande envergure. Ensuite, il fut désigné commandant de zone par intérim, assumant désormais les fonctions de responsable politique et militaire, jusqu’à sa mort, dans des circonstances mystérieuses, dans la région des Aurès en avril 1959, suite aux conflits qui avaient éclaté entre les principaux dirigeants, à cause notamment de l’interférence des prérogatives des uns et des autres et du non-respect des tâches assignées à chacun d’eux.
Ses activités militaires pendant la guerre de Libération
Abdelhamid Bourezg a un parcours riche en activités militaires depuis qu’il a rejoint les unités combattantes de l’ALN, et celles-ci sont si nombreuses qu’il serait impossible de les énumérer toutes, mais on peut citer, néanmoins, les plus marquantes :
1- L’attaque de la caserne des sapeurs-pompiers de la ville de Sétif dans la nuit du 13 au 14 avril 1957, où six militaires français chargés de la sécurité du centre ont été enlevés, puis éliminés, et où un certain nombre de pompiers algériens ont rejoint les rangs de l’ALN.
Au cours de cette attaque, toutes les armes et tous les équipements du centre ont été récupérées, et le matériel trop lourd à porter sera tout simplement détruit (la nouvelle de l’attaque a été rapportée par le journal Le Monde, paru le 16 avril 1957).
Quant aux personnes ayant rejoint l’ALN à l’issue de cette action, nous pouvons citer :
– le pompier Hachemi Ourabah, le cerveau de l’opération depuis l’intérieur du centre (tombé au champ d’honneur, une rue de la capitale, l’ex-rue Blaise-Pascal, porte aujourd’hui son nom),
– le pompier Fodhil Tergou (tombé au champ d’honneur, une rue de la ville de Sétif porte aujourd’hui son nom),
– Mohamed Boudoukha, dit « le Parisien » ou
« Kebaina » ou encore « Pierrot le fou », surnom qui lui a été donné en raison de ses nombreuses opérations de guérilla réussies. Il était un ami des deux chouhada susmentionnés et recherché depuis 1956. Il est tombé martyr en 1960 dans les environs de Merouana, dans la wilaya de Batna,
– les deux autres seraient, selon certaines informations qui restent à vérifier, Lamri Benroula et Mohamed Guenifi (chahid).
Les cinq étaient sortis de la caserne à bord d’un camion de pompiers, en actionnant les gyrophares, comme s’ils étaient en intervention pour éteindre un incendie. Ainsi, ils ont pu franchir de nombreux barrages sur leur route vers le poste de commandement sans avoir suscité le moindre soupçon de la part de l’ennemi.
Ces braves pompiers avaient commencé à s’abreuver de nationalisme et à ressentir le devoir de rejoindre la Révolution, depuis qu’ils avaient vu, de leurs propres yeux, le massacre d’Algériens par l’armée française lors d’une incursion rapportée, d’ailleurs, par Le Monde dans son édition du 16 avril 1957.
2- L’attaque du poste militaire basé dans la ferme Baral, située à la sortie du village de Mazloug, dans les environs d’Ain Oulmane, le 11 mai 1957 (Baral est le nom de famille de colons propriétaires de plusieurs fermes dans la région de Sétif). Cette action a été menée par un commando composé des frères : Mohamed-Chérif Boussam, Abdallah Abdeslam, Laïd Aiouadj, Omar Bahar, tous morts au champ d’honneur. Y ont également participé les cinq sapeurs pompiers cités ci-dessus.
Les membres du commando ont réussi à éliminer les soldats ennemis qui étaient dans le poste, à détruire leurs véhicules et à récupérer plusieurs pièces d’armes, dont une mitrailleuse de calibre 30. Coupables d’avoir maltraité et opprimé les citoyens algériens, et permis à l’armée coloniale d’installer un poste avancé sur ses terres, le colon, sa femme ainsi que trois de ses enfants furent passés à l’arme. En outre, cette famille était connue pour être, de père en fils, ouvertement hostile à la population algérienne, et l’avait démontré à de nombreuses occasions, comme lors des manifestations du 8 mai 1945. Ce jour-là, le colon rassembla plus d’une centaine de personnes et leur ordonna de prier vers l’Ouest – inversement à la qibla – en leur disant qu’il était, lui, Ali bin Abi Talib. Il a tué, ce jour-là, tous ceux qui avaient refusé de se soumettre à cet acte odieux.
Il faut savoir aussi que le colon Barral, propriétaire de la ferme, est issu de la famille du général de brigade Joseph Napoléon Paul de Barral (1806-1850). Celui-ci était l’un des chefs militaires du corps expéditionnaire français présent au débarquement de Sidi Fredj lors de l’invasion de l’Algérie en 1830. Lors de la conquête de la Petite-Kabylie, il y a commis des crimes abominables contre la population locale. Les résistants algériens ont réussi à l’éliminer lors de la bataille d’Amessiouène, dans le douar d’Ait Immel (dans l’actuelle wilaya de Béjaia), le 21 mai 1850. Des milliers de civils avaient perdu leurs vies lors de ces combats inégaux. Une famille de ses descendants est installée par la suite à Mazloug du côté de Sétif.
3- Sa participation à la bataille de Labaatchia au djebel Kadil, sous la direction de Lakhdar Belhadj, le 13 juin 1957, où de nombreux soldats français furent éliminés. L’ALN eut à déplorer la perte d’un seul combattant, Messaoud Bouabdallah et quatre blessés. L’ennemi ne tarda pas à se venger contre la population, tuant 13 civils après la bataille, sous prétexte de soutenir et d’héberger les moudjahidine.
4- La bataille de Tougigt, près de Tibhirine, dans la région d’Ain Touta, le 11 octobre 1957, qu’il dirigea et à laquelle ont pris part de nombreux responsables, tels que Saïd Aoufi, Ali Barbache, Douadi Abirez, Abdelkader Sbaa, Mohamed-Saleh Yahiaoui, Kaddour Tahar, en plus de 200 moudjahidine. La bataille dura toute la journée, mais à la suite d’une délation, ils furent encerclés et perdirent une centaine de combattants, dont la plupart appartenaient à deux patrouilles issues respectivement des Wilayas III et IV. En revanche, des dizaines de soldats de l’armée d’occupation furent éliminées, et un avion de chasse fut abattu, selon des témoins oculaires.
5- L’attaque du poste militaire de Bordj Ghedir, au cours de laquelle de nombreux soldats ennemis ont été tués et plusieurs armes récupérées.
6- L’attaque du poste des harkis à Legrarsa, près d’Ain Oulmane, au cours de laquelle plus de 25 harkis furent éliminés, leurs armes et équipements récupérés.
7- Sa participation à de nombreuses embuscades et opérations de sabotage d’installations ennemies, telles que la mise à feu de fermes, la destruction de pylônes électriques et de poteaux téléphoniques, la destruction de guérites (à l’image de celui situé sur la route reliant Sétif et Barika, en mars 1957), la destruction de chemins de fer, l’attaque de trains à plusieurs reprises (une mine a été placée, en juillet 1959, sur le chemin de fer près d’Ain Touta, où la locomotive a explosé et 13 wagons ont été démolis et brûlés la semaine d’après, l’attaque de convois militaires, tuant de nombreux soldats et détruisant leurs véhicules (en mars 1957, sur la route de Soubla, dans les environs de Boutaleb), etc.
Témoignage
Dans un témoignage, feu le moudjahid Mohamed-Salah Bentama, ancien rédacteur en chef de la revue 1er Novembre, qui a rencontré pour la première fois Abdelhamid Bourezg au secteur de Ras El-Oued en janvier 1957 et a travaillé avec lui de février jusqu’en mai, de la même année, puis les deux se sont séparés et ne se rencontraient plus que lors de réunions périodiques, écrit : « Son petit groupe militaire a réalisé des exploits, et ses camarades ayant survécu à la guerre s’en souviennent encore avec fierté et admiration. Il était ferme et rigoureux, mais d’une grande humilité, sensible aux souffrances de la population et gentil avec ses hommes, en veillant à leur formation, en leur parlant souvent de leur glorieuse histoire et en aiguisant en eux l’esprit nationaliste. Il leur donnait des exemples de la lutte des peuples, en leur citant notamment la révolution du Vietnam, parce que c’était encore le sujet de discussions à cette époque. Il était toujours souriant et flegmatique. Un jour, alors que nous étions encerclés dans les montagnes d’Ouled Tebbane, par des avions de toutes sortes qui couvraient littéralement le ciel, le bombardement intense de l’artillerie et l’ennemi occupant les points stratégiques, grâce aux moyens de transport rapides dont il disposait.
Ce fut une journée épouvantable. L’armée ennemie avançait progressivement, les éclaireurs commençaient à s’approcher de nous, protégés par l’aviation. Au moment crucial, le chahid Abdelhamid, imperturbable, sut prendre la bonne décision, en nous ordonnant de creuser des tranchées pour se mettre à l’abri des bombes. Il nous a aussi ordonné de rester sur place et à ne commencer à tirer qu’en cas d’accrochage, afin de faire plus de victime chez l’ennemi. Les éclaireurs ennemies continuaient à s’approcher, suivies des troupes, et nous ne nous sommes affrontés avec elles qu’à la tombée de la nuit. Le bilan était très léger : un seul blessé, et encore avec des blessures mineures. »
Enfin, dans le cadre de la préservation de la mémoire nationale et de la commémoration de la mort d’Abdelhamid Bourezg, une salle omnisports à Msila et une rue de la ville de Bordj Ghedir, dans la wilaya de Bordj Bou Arreridj, ont été baptisées en son nom.
La famille du chahid Abdelhamid Bourzeg a été honorée dans la commune d’Ouled Tebbane, le 15 février 2020, par les anciens Scouts islamiques algériens – groupe El-Houriya d’Ouled Tebbane. A cette occasion, une conférence a été donnée par le chercheur Salah Derradji, sur son parcours révolutionnaire et ses grandes qualités humaines.
Derradji Salah dit Rostom
Bibliographie :
1 – Le livre d’or des martyrs de l’Aurès.
2 – Le rapport politique de la Wilaya I, 1956-1958.
3 – Mohamed-Salah Bentama, témoignage sur le chahid Abdelhamid Bourezg, Revue du 1er Novembre, n° 61, 1983.
4 – Le journal intime du chahid Guarab Dhouadi (1933-1959).
5 – Témoignage du moudjahid Abdelmadjid Bourezg, officier de l’ALN et frère du chahid Abdelhamid.
6 – Témoignage du moudjahid Mohamed Mamoun Bourezg, frère du chahid Abdelhamid.