Portrait du chahid Salhi Mohand Ouamer L’hyène de Tikejda

Il est l’un des vaillants martyrs de notre glorieuse révolution. Le chahid Salhi Mohand Ouamer a, très jeune, embrassé la cause nationale et il a combattu pour ses idéaux jusqu’au sacrifice ultime.

Natif du village de Chorfa, commune de M’Chadallah, dans la wilaya de Bouira, Salhi Mohand Ouamer voit le jour le 2 juin 1934, au sein d’une famille de condition modeste.
En septembre 1941, il est inscrit par son père Salhi Amer surnommé «El akel oussalah» à l’école primaire du village où l’enfant attire très vite l’attention de ses instituteurs français, en raison de sa grande intelligence et de sa vivacité d’esprit.
Six ans plus tard, c’est sans difficulté qu’il obtient son certificat d’études primaires, malheureusement, il ne pourra pousser plus loin ses études, le pouvoir colonial inique limitant le niveau de scolarité des écoliers musulmans. C’est donc la mort dans l’âme qu’il quitte les bancs de l’école accusant avec beaucoup d’amertume cette première injustice.

Il intègre alors le monde du travail, accomplissant des petits métiers pour aider son père à subvenir aux besoins de la famille. Après ses heures de travail, il assistait secrètement à ses rencontres politiques, forgeant ainsi sa conscience nationaliste.

En 1953, il quitte son petit village pour partir en France. Sur place, il est recruté au sein de l’usine allemande « Falk Russal », spécialisée dans la peinture. En dehors de ses heures de travail, il militait au sein du P.P.A. (Parti du peuple algérien) et vendait clandestinement le journal « Algérie Libre », organe du même parti.

Après quelques jours de ressourcement auprès des siens, il part pour Alger, en disant à ses proches : « « Je me rends à Alger et au cas on vous interroge à mon sujet, dites que j’ai regagné la France pour me soigner ».

Il ne donne plus de nouvelles pendant quelques temps jusqu’au jour où il frappe à la porte de la maison familiale, accompagné de Abderrahmane Mira, Zemmour Mohand Arab, Achour Akerbouzi, Mohand Athmimi (Ath Melikeche) et un autre. Le groupe était vêtu de l’unforme de la gendarmerie française et armé. Pour ses proches, il n’y avait plus de doute, leur fils était devenu moudjahid. Son frère Belkacem -lui aussi chahid de la guerre d’Algérie- leur fera savoir que les tenues portées par les moudjahidine était un premier butin de guerre provenant d’une caserne coloniale. Suivront d’autres opérations d’éclats contre des sites stratégiques français ou des casernes, se trouvant sur un territoire s’étalant d’Ath Melikeche (à l’Est de Bejaia) jusqu’à Haizer (Bouira). Le groupe composé au départ de six moudjahidine va rallier de plus en plus de jeunes prêts à se sacrifier pour la libération du pays du joug colonial.

L’embuscade de Tizi N’Belkis

Le 30 juin 1955, Si ohand Ouamer et quelques-uns de ses compagnons projettent de tendre une embuscade au niveau de la route nationale 30 au lieu-dit « Tizi N’Belkis » (Imesdurar-Maillot) à une patrouille de l’armée coloniale qui effectuait des opérations de reconnaissance entre Tal Rana et Tizi n’Koulal. A travers ces missions de reconnaissance, ils voulaient rassurer les colons et leurs serviteurs algériens (harkis) quant à l’absence de moudjahidine dans la région mais en temps, terroriser la population et la dissuader d’apporter un quelconque soutien aux membres de l’ALN.

Arrivés au niveau d’un virage et tout près d’un tunnel, au niveau de la route nationale 30 (vers Saharidj), les soldats français sont pris sous les tirs nourris des moudjahidine, bien embusqués. Plusieurs soldats ennemis sont tués durant l’échange de coups de feu, d’autres parviennent à prendre la fuite. Du côté des membres de l’ALN, Salhi Ouamer est blessé au pied, un moussabil décide de leur transporter au lieu-dit Tahanout n’quedraa (Imesdurar) pour y être soigné. Puis, à la tombée de la nuit, il est évacué à dos d’âne vers Thaâkazth Aguiger par un certain Addar Mohand Oubelkacem. Il y demeure trois jours, durant lesquels il reçoit les soins nécessaires, avant d’être transféré à Ath Mansour, où pendant deux semaines de convalescence, il reste caché dans le moulin d’El Hadj Ali Oussafia.

Il faut toutefois savoir qu’au lendemain de l’embuscade, le village de Mazarir est encerclé par les forces coloniales. Ils passent au peigne fin toutes les maisons et interrogent tous les villageois, n’hésitant pas user de brutalité pour leur soutirer des informations sur les auteurs de l’attaque. Malheureusement pour eux, ils n’obtiendront aucune information, même sous la menace.

Quinze jours après l’embuscade, Salhi Mohand Ouamer est autorisé par ses supérieurs à rejoindre les siens. Il est ensuite rejoint par Mohand Athmimi, Akli Ziri d’Ath Melikeche pour l’accompagner à Iwagueren où se trouve l’hôpital de l’ALN. Là-bas, il demeure cinq longs mois, jusqu’à son rétablissement total.

Durant ses années au maquis, Salhi Mohand Ouamer se distingue par ses qualités humaines, son intelligence et son courage. Ses supérieurs de la wilaya III lui proposent à plusieurs reprises d’occuper des postes de responsabilité au sein de la hiérarchie mais il refuse préférant combattre les armes à la main et émettant le vœu de mourir en martyr pour l’Algérie.

C’est ainsi qu’en décembre 1955, il réintègre les rangs de l’ALN, il prend alors le sobriquet de « Si Mohand Akoudhar » car depuis sa blessure, il boitait. Cela ne l’empêche pas d’affronter les troupes ennemies et d’en sortir vainqueur et héroïque.

Entre février et mars 1956, il apprend la mort en martyr de son jeune frère Belkacem. Ce dernier avait, en effet, rejoint le front vers le mois de septembre 1955. Cela ne fait que renforcer sa détermination à combattre jusqu’à son souffle ultime pour venger la mort de son frère et libérer le pays des chaînes coloniales.

Il se porte d’ailleurs volontaire pour l’exécution d’un bachagha renégat, du côté de Bejaïa, ce qui lui vaut sa nomination au grade de sergent. C’est sous ce nouveau grade qu’il commande une cellule de moudjahidine, livrant plusieurs combats victorieux.

Malgré son jeune âge, il faisait preuve de beaucoup de maturité et de courage sur le terrain des combats, ce qui lui vaut le respect de ses compagnons d’armes. Durant toutes ces années au maquis, il n’avait pas une seule fois rendu visite à sa famille.

Il mène plusieurs opérations armées dont une embuscade à une unité de l’armée française à Assid n’Lemroudj où plusieurs soldats français sont tués, tandis que d’autres parviennent à prendre la fuite, parmi eux, quatre harkis. E sont ces derniers qui, d’ailleurs, reconnaissent Si Salhi Mohand Ouamer, à sa démarche et donnent son signalement aux troupes ennemies.

Il sera activement recherché par l’armée coloniale.

Au mois d’aout 1956, les responsables de la wilaya III lui demandent de sécuriser la région pour la tenue d’un important congrès dont les participants sont de hauts responsables politiques. Mission dont il s’acquitte avec célérité, permettant la réussite de réunion à laquelle ont pris part de grands responsables de l’ALN.

En 1957, il commande la 2e région avec le grade de lieutenant, sous ses ordres, pas moins de 60 moudjahidine. Ce groupe se fera remarquer notamment lors de la bataille de Lamsara où, l’attaque d’un camion militaire français se solde par la mort de 25 soldats ennemis, tandis que du côté algérien, on n’enregistre aucune perte.

Parallèlement à son combat armé, Si Mohand Ouamer faisait aussi de la sensibilisation auprès des villageois pour les amener à apporter aide et soutien pour la lutte armée et ses combattants. Il distribuait des tracts et discutait avec les gens lorsqu’il en avait l’occasion, y compris dans son village, lorsqu’il allait rendre visite à sa famille. A ce titre, la dernière visite chez lui remonte à janvier 1957.

Mort en héros

C’est au cours de la bataille d’Ath Houari que Si Mohand Ouamer meurt en martyr. Dans son livre « La mémoire vivante et les douloureux événements 1954-1962 », le Dr K. Aigoune rapporte que Mohand Ouamer devait livrer au quartier général un officier fait prisonnier lors de la bataille d’Imesdurar.

Avec ses compagnons, ils empruntent l’axe nord-ouest. Ils avancent avec beaucoup de prudence car des informations reçues peu avant font état de vastes opérations de ratissage de la région par l’armée coloniale. Arrivés à Izemouren le 11 mars 1957 vers 22 heures, ils sont accueillis par la famille Aouali. Des sentinelles sont chargées de surveiller les alentours du village.

Mais suite à une dénonciation, deux régiments de deux cents soldats encerclent le village de tous les côtés.

Se sachant pris entre les mailles du filet, Si Mohand Ouamar encourage ses compagnons à faire face à l’ennemi. C’est ce qu’ils feront, tandis que ceux qui étaient armés ripostaient aux tirs français, les autres discrètement, sortirent de l’abri pour rejoindre la rivière. Si Mohand Ouamar ordonne à ses hommes de tirer sans s’arrêter, plusieurs soldats français sont à terre. Pris en pleine débâcle, ils se replient, en attendant des renforts. Si Mohand Ouamer vient de remporter une première manche. Mais rien n’est encore gagné. Des avions arrivent peu après et commencent à bombarder les maquis jusqu’à la nuit tombée, les moudjahidine profitent de l’obscurité pour porter secours aux blessés dont Saïd Lafiat, Slimane Bechlaoui et d’autres encore. Ils sont évacués vers le centre de commandement à Semmache.

Du côté français, les pertes sont très importantes selon les témoignages des moudjahidine rescapés de cette bataille.

Le lieutenant Si Mohand Ouamer, grâce à une tactique militaire intelligente venait de sauver la vie de 63 moudjahidine. Lui n’en réchappe pas, il meurt en martyr ainsi que onze autres combattants de son régiment.

Parmi les chouhada de cette bataille, il y a également lieu de citer l’imam du village Si Saïd Aouali, son fils Abdallah ainsi que d’autres membres de la même famille, en l’occurrence Mohamed et Menouar Aouali. Quant aux moudjahidines tombés au champ d’honneur, il s’agit notamment de Mohammed Cherfi (M’chedallah), Merkala Ahmed, Ahmed Mohamed Seghir, Ali Saït, Kerou Saïd, Belghanem Ahme…etc.
Hassina Amrouni

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