Guerre de libération : Aïssat Idir, père du syndicalisme algérien

Il y a 60 ans, Aïssat Idir devenait martyr de notre glorieuse révolution de novembre. Djemâa Saharidj, son berceau natal, le commémore chaque année, pour ne pas oublier le sacrifice de cet enfant du pays.

Né à Djemâa Saharidj, le 7 juin 1915 au sein d’une modeste famille, le jeune Idir grandira privé de l’amour maternel, sa maman étant décédée alors qu’il avait seulement six ans.

Inscrit à l’école primaire de son village, il y effectue une scolarité brillante qui lui ouvre droit à une bourse pour préparer le concours d’entrée à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Bouzaréah. Malheureusement, il est contraint d’abandonner les épreuves suite à un incident malheureux, renonçant ainsi à une carrière dans l’enseignement.

En 1935, il part à Tunis où il est accueilli par son oncle au sein de la famille. Là, il entame des études supérieures en droit et en économie. Il effectue ensuite son service militaire en Tunisie et en sort avec le grade de sergent.

De retour à Alger, il passe le concours de recrutement de personnels des ateliers industriels aéronautiques d’Afrique du Nord à Bordj El Bahri où il est reçu.

Naissance de la fibre syndicale

Grâce à son sérieux et son professionnalisme, Aissat Idir est rapidement promu au grade de chef de service. Il est ensuite envoyé par la direction de l’usine pour occuper les mêmes fonctions à l’aéroport de Casablanca.

Dès son entrée dans le monde professionnel, Aissat Idir est confronté à cette flagrante injustice dont souffrent les travailleurs algériens par rapport à leurs collègues français. Il n’hésite pas à se mobiliser pour défendre leurs intérêts. Ses camarades l’élisent comme membre de la commission exécutive des travailleurs du secteur d’Etat, affiliée aux syndicats communistes français.

Animé de cette fibre syndicale depuis quelques années déjà, Aissat Idir collabore entre 1946 et 1947 à la rédaction du journal la « Nation Algérienne », chargé de la rubrique « Le prolétariat algérien ».

Soupçonné de travailler avec l’Organisation Secrète (OS), il est arrêté durant quelques jours en 1950 avant d’être licencié par son entreprise sous prétexte de grève au sein de l’usine. Il est ensuite recruté comme chef de service à la CACOBAT (Caisse des Congrès et du chômage-intempéries des travailleurs du Bâtiment et des Travaux publics), puis adhère au syndicat de l’entreprise.

A partir de 1949, il dirige un groupe de syndicalistes affiliés à la « Commission des affaires sociales et syndicales » créée par le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) puis choisit de soutenir le FLN.

A nouveau arrêté pour ses activités syndicales, il ne sera libéré qu’en décembre 1954.

Le 24 février 1956, le projet de création d’une centrale syndicale prend forme à l’issue du premier congrès de l’Union générale des travailleurs algériens (UGTA). Aïssat Idir sera le premier secrétaire général élu à la tête de cette organisation syndicale. Chez les travailleurs, l’engouement est général, pour preuve, dès le premier mois, plus de 100 000 travailleurs signent leur adhésion à l’UGTA.

Dès son installation, Aissat Idir commence à structurer l’union syndicale, en parallèle, il commence à recevoir au siège de l’organisation, sis au niveau de La Vigie, à Alger, des délégations de syndicalistes venant se plaindre de leurs dures conditions de travail. Il apportera également sa contribution à la création du journal de l’organisation syndicale, « L’Ouvrier algérien », par le biais duquel les travailleurs sont tenus informés des actions menées par la Centrale syndicale et sont mobilisés pour la lutte armée.

Suite à une série de grèves patriotiques initiées par le syndicat, une quarantaine de cadres et militants syndicalistes sont arrêtés entre les 22 et 23 mai 1956 sur ordre de Robert Lacoste, alors ministre délégué en Algérie. La police française envahit le bureau de Aissat Idir pour l’embarquer avec le reste de ses compagnons. 

Conduit à la prison de Berrouaguia, il sera ensuite déplacé vers les prisons de Saint-Lo, Aflou, Bossuet avant d’être transféré à la prison de Barberousse à Alger. Accusé d’atteinte à la sécurité de l’Etat, il sera traduit ainsi que 22 autres syndicalistes devant la justice militaire. Malgré l’acharnement de la justice, il est brillamment défendu et fini par être libéré.

Le 13 février 1959, il est à nouveau arrêté. Durant son incarcération, Aissat Idir sera soumis aux plus abjectes séances de torture, ordonnées par le sinistre colonel Godart, alors dirigeant de la DST (Défense et sécurité du territoire). D’ailleurs, l’administration pénitentiaire est contrainte de le transférer à l’hôpital militaire Maillot, où un avocat de la défense, qui a pu lui rendre visite, témoignera des graves brûlures que Aissat Idir avait aux jambes. Version contredite par les autorités françaises. Pourtant, Aissat Idir décède des suites de ses brûlures le 26 juillet 1959. Une mort héroïque qui soulèvera une vague d’indignation dans le milieu syndical international.

Il sera enterré au cimetière de Sidi M’Hamed à Alger.

Hassina Amrouni

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