On ne peut pas parler de l’histoire ou du rôle de la Fédération de France du FLN durant la guerre de Libération nationale, sans évoquer le nom d’Omar Boudaoud, qui fut celui grâce à qui cette structure créée en 1954 se vit promue en wilaya à part entière, en reconnaissance de sa place et de son apport inestimable pour la lutte armée contre l’occupation.
Ancien membre du PPA /MTLD et moudjahid de la première heure, Omar Boudaoud a été repéré dès son jeune âge pour son dynamisme et son dévouement pour la cause nationale. C’est ainsi qu’il fut arrêté en mai 1945, et ne sera libéré qu’après la proclamation de l’amnistie générale en mars 1946. En février 1947, il fut désigné responsable régional de l’Organisation spéciale en Basse-Kabylie. Arrêté en 1949 dans la région de Baghlia, il fut libéré en 1951 et partit en France où il intégra directement le FLN, à sa création.
Présent dans toutes les étapes de création de la Fédération de France du FLN, aux côtés des précurseurs tels que Mohamed Lebjaoui, Mourad Terbouche, Mohamed-Salah Lounachi Abdelkrim Souici, Nacerddine Ait Mokhtar, Doum, etc, il réussit rapidement à s’imposer comme la cheville ouvrière de la fédération. Après l’arrestation de Mourad Terbouche par les autorités françaises, en 1956, il lui succède à la tête de la fédération et entame un véritable travail de réorganisation qui permit au FLN de s’imposer définitivement face à ses rivaux messalistes qui exerçaient alors une forte influence sur la communauté algérienne, et notamment dans les milieux ouvriers.
Les exploits successifs engrangés par la Fédération de France du FLN, durant cette période cruciale, que ce soit dans la collecte de fonds (80% du budget de fonctionnement du GPRA provenaient des cotisations de l’immigration algérienne), l’achat d’armement, les contacts avec les réseaux de soutien, ou dans la mobilisation de la communauté algérienne qui culmina par les manifestations historique du 17 octobre 1961, témoignent largement des capacités et de la combativité de ce meneur infatigable. Car il s’agissait, pour lui et les membres de la fédération, de mener la guerre sur deux fronts : contre le colonialisme français sur le sol même de la France, et affronter les groupuscules messalistes sur le terrain. Le défi, c’était surtout de mener, dans les deux cas, une guerre « sans armes ». Feu Omar Boudadoud donne une explication à ce choix qui peut paraitre cornélien : « Notre Révolution, a-t-il déclaré un jour, est une Révolution juste. Ce qui me préoccupait à l’époque, c’était qu’il y avait eu bavures contre les Français. On avait fait la guerre contre ceux qui nous faisaient la guerre. On n’a pas touché au peuple français, même si on avait les moyens de le faire. Notre communauté était très organisée et nous avions des armes. On aurait pu déposer des bombes dans toutes les villes françaises. »
Pourtant, à son arrivée en France, il lui a fallu, à lui et aux militants du FLN, de s’engager pleinement dans la lutte contre les groupuscules liés au MNA de Messali Hadj, lesquels usaient des méthodes les plus machiavéliques et parfois les plus cruelles, et d’instaurer l’ordre au sein d’une immigration vulnérable. Il réussit rapidement à instaurer « une discipline et une justice de fer », affirme-t-il et à neutraliser les différentes infiltrations qui parasitait l’action des militants nationalistes. Et c’est ce qui a permis à la majorité de la communauté algérienne de manifester une adhésion sans faille au FLN et à la cause nationale.
Dans un hommage qu’il a rendu à Omar Boudaoud en 2012, l’ancien responsable politique de la Fédération de France du FLN, Ali Haroun, a déclaré sur cet aspect de l’action menée par les militants : « Quand Omar Boudaoud est arrivé en France, il lui fallait surtout mettre en place le «Nidham», dans un sens pyramidal, clandestin et hermétiquement cloisonné, être capable de rassembler les combattants. Il lui fallait organiser efficacement le régime des cotisations, installer une rigueur sans faille parmi les militants, renforcer les rangs du FLN de France. Il a réussi dans sa mission car la Fédération a pu rassembler des sommes d’argent qui ont garanti l’autonomie financière du CCE et du GPRA à raison de 80% des finances des instances de la Révolution. Il a pu faire un travail de mobilisation de l’opinion publique française et internationale, recueillir l’adhésion des intellectuels progressistes », explique encore Ali Haroun.
Même description donnée par l’ancien négociateur des accords d’Evian, et ancien Premier ministre, Réda Malek, dans un témoignage, en disant que « la Révolution algérienne a triomphé grâce aux hommes de la trempe de Omar Boudaoud. Il était un homme très discipliné, fort d’une volonté inébranlable et d’une grande intelligence politique qui lui ont permis d’assumer convenablement sa mission au sein de la Fédération de France. Il est le prototype du révolutionnaire moderne », a déclaré Redha Malek l.
Beaucoup d’écrits ont été consacré à cette page de notre histoire, dont Ali Haroun, et des enquêtes de plus en plus osées sur les événements tragiques du 17 octobre 1961, mais le témoignage d’Omar Boudaoud (qu’il a publié en plusieurs étapes depuis 2007) donne une lecture plus exhaustive et, disons, plus désintéressée de ces événements, mais aussi du fonctionnellement de la structure qu’il a eu à diriger et ses ramifications à travers la France métropolitaine et toute l’Europe.
Adel Fathi