Les 24 et 25 février 1956, le mont Asfour, dans les Aurès, a connu une bataille sanglante où les éléments de l’ALN ont fait preuve d’un courage héroïque qui leur a permis d’humilier sur le terrain des combats la toute puissante armée coloniale. Retour sur un haut fait d’armes.
En cette fin du mois de février 1956, un convoi militaire traversait la région de Taberdga et se dirigeait vers Siar, au sud de Khenchela.
Le chef de la zone qui deviendra plus tard la wilaya historique Aurès-Nememcha, Abbes Laghrour, en est informé par une lettre de militants de Taberdga faisant état de mouvements de troupes armées françaises en leur direction.
Réunis au sein de la mosquée de la localité de Zaouïa, Abbes Laghrour et les chefs de groupes de moudjahidine décident de lancer une attaque contre les troupes coloniales.
Ayant pris part à cette réunion puis aux combats, le moudjahid Abdelkarim Merad qui avait à l’époque 20 ans, raconte qu’avant de s’ébranler ver le lieu de l’attaque, Abbès Laghrour ordonne aux plus âgés, aux malades et aux djounoud de se retirer. Gardant avec lui 70 hommes aptes au combat, il prend la tête du plus important groupe chargé de tendre l’embuscade et se positionne sur les abords immédiats dominant la piste Taberdga-Siar. Les autres groupes de moudjahidine se répartissent sur les hauteurs du djebel Asfour afin de couvrir leur retrait.
A 7 h du matin, les djounoud commencent à abattre sur les soldats français un déluge de feu. Selon Abdelkarim Merad, les moudjahidine ont réussi « à éliminer 40 à 50 soldats français, à emprisonner un lieutenant et à récupérer un lot d’armes et de munitions », et d’ajouter qu’« avant même de pouvoir dire ouf, nous étions surpris par des centaines de soldats français montant vers nous de toutes parts. Ils s’avançaient surtout du côté d’Ain El Mechnine, derrière la crête où l’on avait placé notre pièce FM ».
Vers 11h, le silence revient dans les deux camps mais très vite, des avions de chasse survolent les maquis, tirant sur les combattants au sol mais leur ballet ne dura pas longtemps, tant ils avaient peur de toucher leurs propres soldats.
La portée de cette bataille était telle que le général Lacoste, nouvellement installé par le gouvernement de Guy Mollet, supervisa les combats du haut d’un hélicoptère.
Merad se souvient que « le champ de bataille étant totalement nu, quiconque quittait sa position était abattu ». Aussi, vers 13 h « les tirs reprirent de plus belle avec une intensité effroyable et ce, jusque vers 19 h avec la tombée de la nuit qui empêchait toute visibilité ».
Le bilan de cette première journée est lourd. Plusieurs moudjahidine sont morts au combat en martyrs, d’autres ont été blessés, parmi eux, Abbes Laghrour, touché au niveau des deux jambes : la gauche atteinte d’une balle et la droite touchée par des éclats d’obus. Merad signale avoir trouvé près de l’endroit où était étendu Abbès, « quelque chose comme 200 douilles de balles de pistolet Colt » et de préciser que c’est « un djoundi du nom de Benkhelfa, un homme de grande taille originaire de Zeribet El Oued (Biskra) qui porta Abbès Laghrour sur son dos pour le placer, après une longue marche, sur le mulet d’un militant rencontré lors du retrait vers Dechrat Ettolba. Les soldats français étaient si proches que l’on pouvait entendre leurs officiers les sommer d’avancer ».
Le lendemain, aux alentours de 16h, une nouvelle offensive, cette fois, lancée par les troupes françaises surprend les moudjahidine dans leur lieu de retraite. « Ils étaient si proches de nous qu’on pouvait entendre les cris +avance, avance+ lancés par les officiers aux soldats de la légion étrangère », se remémore Merad.
Heureusement, les moudjahidine reçoivent des renforts dépêchés par le centre d’Oued El Alleg, près de la montagne d’El Djorf. Ces derniers tiraient sur tous les soldats qui approchaient. « Au troisième jour, alors que nous nous attendions à subir de nouveaux assauts, nous fûmes surpris par le silence des montagnes, totalement vides de toute présence ennemie. Ce fut assurément une grande bataille et une belle victoire », se rappelle avec émotion le moudjahid qui précise avoir été blessé à la lèvre, tranchée en deux par un éclat d’obus, au cours des combats.
Au cours de cette bataille quelques 300 soldats français ont trouvé la mort, tandis que l’ALN a perdu 22 de ses vaillants hommes, morts en martyrs pour l’Algérie.
Hassina Amrouni